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Témoignage de Philippe


Mars 2019

 


Vers l'âge de 7 ans, on m’a diagnostiqué une surdité bilatérale de perception. Avec une baisse d’audition de 50 décibels. Puis un peu plus tard, je portais un appareil auditif Philips à transistor, un boîtier métallique avec fil. Je ne le portais qu’en classe et à la maison. Habitant dans une petite ville, je me faisais discret, je ne voulais pas que mon handicap se voit. Un jour, les élèves de mon école ont été mis au courant et lors d’une récréation, un petit groupe “de grands” s’est mis à fouiller dans mon cartable et pris ma boite avec mon appareil auditif. Après avoir été de main en main, je l’ai retrouvé un peu plus tard sur un banc au fond de la cour. Ils n’étaient pas méchants, ils étaient juste curieux.
Tant bien que mal, j’ai poursuivi ma scolarité jusqu’en 6e. Puis voyant que j’avais de plus en plus de difficultés, mes parents décident de me placer dans un Centre de Rééducation pour Sourds et Malentendants, à Fougères. J’avais 12 ans. C’était un pensionnat dirigé par des religieuses. Un établissement de 150 garçons et autant de filles. Il y avait des classes de la petite section jusqu’à la 3e. Des cours d’apprentissage pour les garçons vers des métiers tels que la menuiserie, la métallerie et l’imprimerie étaient dispensés également avec des professionnels, des patrons. Ces religieuses étaient bienveillantes, connaissaient chacun de nous et notre famille. Les classes ne dépassaient pas 12 élèves, elles nous enseignaient oralement et à travers la lecture labiale. Les classes étaient équipées de boucles magnétiques et de casques ; la langue des signes était bannie, dans cet établissement, dans les années 60. Quelques élèves “signaient” entre eux en cachette. Puis début 1970, elle fut réhabilitée. Les prothèses auditives « contours d’oreilles » ont fait leur apparition vers les années 1967. J’ai suivi dans cet établissement une scolarité normale et je me suis orienté vers les métiers de l’imprimerie.
Avec un CAP, en poche, à 17 ans et demi je me suis retrouvé dans la vie active très rapidement. Les difficultés devenaient grandissantes au fur et à mesure que j’avançais dans la vie. A chaque renouvellement de prothèses, il me les fallait un peu plus puissantes. Dans les années 90, le passage au numérique a bousculé le monde du travail : des licenciements en masse, augmentation du chômage, les recherches d’emploi devenaient de plus en plus difficiles ; il fallait téléphoner aux propositions d’offres d’emploi ou répondre aux employeurs intéressés par notre CV. (aujourd’hui, avec la messagerie, c’est beaucoup mieux). Ca devenait compliqué, je comprenais de plus en plus difficilement au téléphone et je perdais confiance. Les prothèses auditives « contours d'oreilles » passaient de l'analogique au numérique. J’ai suivi une formation dans la PAO, puis j’ai eu des contrats dans des agences de communication, imprimeries et dans l’intérim. J’ai manqué des occasions d’embauches car on me demandait d’intervenir auprès des clients par téléphone.
Dans ma carrière, j’ai rencontré des gens agréables, compréhensifs. Une fois, dans une imprimerie de la banlieue parisienne, je travaillais avec un commercial, qui me dictait les corrections à apporter sur les pages d’un livre. Je travaillais sur écran. Il faisait des efforts pour que je comprenne bien. Après plusieurs journées de collaboration, il m’avouait avoir été content de travailler avec moi, mon handicap lui avait permis de changer sa façon de parler, plus distinctement.
A la retraite depuis début 2015, je rentrais dans la catégorie sourd sévère à profond. Mes prothèses auditives étaient plus puissantes mais la compréhension devenait de plus en plus imprécise, je ne lâchais plus la lecture labiale et je faisais souvent répéter ; je décrochais rapidement dans les conversations de groupe, les efforts fournis et les bruits me fatiguaient. J’avais déjà entendu parler de l’implant cochléaire et je me disais que ce n’était pas pour moi. Je pensais à une opération compliquée dans le cerveau et ça me rebutait. Ma soeur, qui est malentendante, s’est fait implanté cochléaire il y a 4 ans. Elle a fait de beaux progrès et se débrouille avec aisance et participe sans difficultés à ses réunions de travail. Elle m'a fait prendre conscience de la nécessité de me faire implanter. Mais je n’étais pas prêt.
Il m’a fallu un peu de temps, mais l’idée commençait à faire son chemin. En décembre 2017, je me décide d’aller à une réunion amicale (mensuelle) de gens implantés cochléaires à l’AIFIC au sein de l’hôpital Rothschild à Paris. Je suis d’abord allé à l’accueil de l’AIFIC dont la permanence est ouverte tous les mardis. J’ai rencontré deux bénévoles qui sont membres du Conseil d’administration de cette association. Elles sont là pour renseigner et rassurer les futurs implantés. J’ai été surpris de rencontrer ces personnes bien dans leur peau. Je n’avais pas l’impression qu’elles étaient toutes les deux implantées cochléaires. Elles parlaient et entendaient avec aisance. Je leur ai posé des questions, elles m’ont vanté l’équipe médicale, le suivi et le Professeur Frachet, un chirurgien renommé. Puis je leur dis que j'allais y réfléchir et que je prendrais rendez-vous plus tard. Et elles ont fini par me convaincre que je devais me décider rapidement. Je pris rendez-vous le jour même.
Trois mois plus tard je rencontrais le Professeur Frachet qui ne voyait pas d’obstacles à ma future implantation. Je devais passer des tests. Après avoir passé de nombreux examens pré-implants, le Docteur Poncet, responsable de l’équipe pluri-disciplinaire, me confirme ma candidature et m’explique le déroulement de l’opération. Je serai opéré de l’oreille gauche et j’aurai le processeur AB Naida C90. Le 12 octobre 2018, je suis admis à l’hôpital La Pitié-Salpêtrière. Je suis opéré le lendemain matin. L’intervention s’est faite derrière l’oreille, l’implant avec les 24 électrodes a été placé avec succès. Je n’ai pas eu de vertiges mais quelques douleurs au niveau de l’implant. Mais deux semaines plus tard, j’avais une légère paralysie faciale ; on m’envoie passer des examens à l’hôpital de La Pitié-Salpêtrière et avec un traitement et de la rééducation, elle s’est résorbée progressivement.
Les débuts de l’activation n’ont pas été spectaculaires. Je n’entendais que des bruits métalliques, des notes de xylophone ; les mots me paraissaient lointains... Puis petit à petit, ça devenait un peu plus distinct. Trois mois après l’activation et quelques réglages, je me surprends à participer aux conversations, à entendre sans lecture labiale. Je suis plus à l’aise et je me fatigue moins. Je fais moins répéter. Mon épouse, mes enfants, mon entourage sont surpris. Mon processeur m’apporte beaucoup dans les sons aigus et mon reste auditif avec ma prothèse, des sons graves. Les deux se complètent. J’écoute la musique différemment, je découvre des instruments que je ne percevais pas avant. J’écoute la radio, la télévision sans sous-titres, je m’essaye au téléphone, j’y arrive mais pas totalement mais avec plus de confiance et des séances régulières avec mon orthophoniste, j’y parviendrai.
Pour résumer, je suis très content de l’avoir fait. Je n'ai pas de regrets d'avoir attendu. Je n'étais pas prêt et je n'en voyais pas la nécessité. Il faut être prêt dans sa tête pour franchir le cap.
Philippe G.